LES GUERRES DU XXe SIÈCLE -
CHAPITRE 2 -
L'hystérie est « une névrose, aux tableaux cliniques variés, où le conflit psychique s'exprime par des manifestations fonctionnelles sans lésion organique (anesthésies, paralysies, cécité, contractures, perte du langage...), des crises émotionnelles, éventuellement des phobies ». Vocabulaire de la psychanalyse, 1967.
DE 1914 AUX ANNÉES 70
La question de l’hystérie réapparait lorsque le milieu médical observe d’étranges similitudes avec les symptômes des traumatismes psychologiques de la première guerre mondiale. Mais l’on préfère alors y voir un signe de faiblesse mentale et morale, de lâcheté, voir de simulation pour éviter de retourner au front. On plaide pour des traitements reposant sur la honte, les menaces et les punitions, même si des autorités médicales plus progressistes permettent de faire avancer les recherches quand à la compréhension du stress post-traumatique et à son traitement. On parle alors plutôt de syndrome de guerre pour bien différencier les cas masculins des cas féminins.
LE TRAUMA EST TOUJOURS LIÉ À UN ÉVÈNEMENT VÉCU
Ferenczi, disciple de Freud et qui a exercé en tant que médecin militaire entre 1916 et 1918 élabore sa propre réflexion : il considère qu’un choc familial lié à un événement réellement vécu, et provoquant une dissociation traumatique, se trouve à la base des symptômes hystériques. Il émet l’hypothèse de situations prédisposant à l’hystérie : c’est parce que l’adulte soumis à des violences (privée, guerre, attentat, catastrophe,…) a déjà vécu un choc psychique dans l’enfance qu’il développe des syndromes d’hystérie, sans distinction de genre. Mais les théories de Ferenczi sont discréditées et balayées par les gardiens en place du temple de la psychanalyse. Elles ne seront publiées qu’en 1949, quinze ans après sa mort.
LA SECONDE GUERRE MONDIALE
Le sujet disparait à nouveau pour réémerger lors de la seconde guerre mondiale. Abraham Kardiner psychiatre américain reconnait que les névroses de guerre sont une forme d’hystérie, mais que le terme est si péjoratif que son utilisation discrédite les patients (masculins). Qualifier un sujet «d’hystérique » signifie que l’individu souffre d’une forme persistante de méchanceté, de perversion ou de faiblesse de la volonté. La victime devient alors prédateur et ne suscite aucune sympathie devant un tribunal.
Les psychiatres militaires permettent cependant de faire avancer la compréhension des syndromes et d’admettre que tout homme peut en être victime. Il s’agit non plus de chercher les causes chez le patient mais d’identifier les facteurs qui peuvent les en protéger sur les zones de combats et d’en atténuer par la suite les effets par des traitements spécifiques.
Les états modifiés de conscience provoqués artificiellement sont à nouveau utilisés pour accéder à des mémoires traumatiques. Notamment l’hypnose et l’amobrabital (un ancien médicament barbiturique qui possède des propriétés sédatives, anxiolytiques et hypnotiques). Mais ces nouveaux pionniers de la psychiatrie comprennent que décharger les mémoires traumatiques ne permet pas des guérisons durables lorsqu’il n’y a pas de suivi suffisant.
Et tout comme pour les femmes et les survivants de la première guerre mondiale, le sort des soldats, des conséquences à long terme de leurs traumatismes tombent doucement dans l’oubli.
LA GUERRE DU VIETNAM
Il faut attendre la fin de la guerre du Vietnam pour que des recherches systématiques et à grande échelle soient entreprises, non pas grâce à la médecine militaire mais aux soldats vétérans. D’anciens combattants s’organisent contre leur propre guerre alors qu’elle est encore en cours. C’est quasiment sans précédent ! Ils organisent des « groupes de rap », réunions privées dans lesquelles ils invitent des psychiatres sympathisants à les accompagner. Ils reprennent leur destin en main et tout une part de la société civile est enfin prête à les entendre et à les soutenir.
La légitimité morale du mouvement anti-guerre rend enfin possible la reconnaissance du traumatisme psychologique comme héritage durable et inévitable de la guerre.
Il aura fallu que la société soit prêt à l'entendre.
QU'EN EST-IL ALORS DES FEMMES ET DES ENFANTS ?
A la même époque, l'industrie cinématographique va s'appuyer sur les traumas d'abus sexuels pour créer des stars - taxées d'hystériques- malléables et surtout prêtes à être consommées par le système patriarcal et médiatique. Marilyne Monroe en est la figure emblématique.
Viendront par la suite s'ajouter au tableau le discours pré-pédophile des années 70 encourageant les adultes à libérer les enfants de leurs "pulsions". Donnant le champ libre aux pulsions perverses des prédateurs. Encore une fois, la société n'est pas du côté des femmes, ni des enfants. Les rapports de domination n'ont pas dit leur dernier mots...
Sources :
« Reconstruire après le traumatisme » de Judith Lewis Herman.
« En Finir Avec L'hystérie (Prétendument) Féminine » d’Isabelle Siac.
Suite au prochain chapitre : Qu'en est-il aujourd'hui ?
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